mercredi 12 juin 2019

Le crépuscule d'AEsir de Elie Darco

Accroche : 
 
Éditeur : Plume Blanche
384 pages
Prix : 19,99 € (broché)
4,99 € (ebook)
 
"Deux siècles auparavant, un effroyable cataclysme a ravagé le monde et mis fin à la domination de l’empire colonial d’Atlantis. 
Aux confins des monts de Thulé, se dresse Æsir, une citadelle de pierre et de glace, qui défie les éléments et abrite la dernière lignée atlante. 
Hors d’atteinte des peuples barbares, les Æsirains voient soudain leur destin les rattraper. Des hordes menaçantes arrivent à leurs portes par les chemins des cols. Ce sont des hommes sauvages, étranges, surpuissants, tous vêtus de noir, esclaves d’un être malfaisant qui pratique une magie plus malfaisante encore. 
Aldéric, l’ambitieux gardien des cimes et Viviana, la jeune fille du commandeur, voient leurs espérances balayées par un vent de mort…"


Mon avis : 

Il s’agit donc d’un récit martial, très sombre, qui débute par un massacre causé par des êtres monstrueux. Puis on suit deux personnages, Aldéric et Viviana, qui s’aiment, et que le destin a séparés. On découvre, au fur et à mesure de la lecture, ce monde, la Borée, la Thulée et le Nordheim. Magie noire et machinations politiques, aventure et guerre, atrocité et deuil, manipulations et amours contrariés, survie et vengeance… sont quelques-uns des ingrédients – thèmes – explorés par Le Crépuscule d’Æsir. 

Tout d’abord, la force de ce roman réside dans la sombre et poétique beauté de son style. Épique dans les scènes d’action, lyrique dans celles plus intimistes, ou machiavélique dans l’art de la manipulation. Un style riche et évocateur qui nous ancre à l’époque où sont censés se dérouler les événements. Mais surtout, par la puissance des mots, l’auteure nous retourne le cerveau, le cœur et l’âme. 
Sa force se situe également dans la narration, les multiples rebondissements ou les péripéties de ses personnages principaux, Aldéric et Viviana. Personnages parfaitement mis en scène et dépeints, y compris ceux secondaires comme Orbélon ou Akânélor. En effet, Élie Darco parvient à les faire évoluer devant nous comme s’ils existaient réellement, dans leurs actes, leurs pensées, motivations, ressentis. Elle réussit à les rendre intéressants, on s’attache à eux, on s’inquiète pour eux, on éprouve à l’unisson leurs peines ou leurs joies. 
Pourtant, Le Crépuscule d’Æsir est davantage que son style, son histoire et ses personnages ; c’est une claque littéraire, car avant tout c’est un univers. Un univers de dark fantasy, hyperboréen, qui a déjà été évoqué par de grands prédécesseurs comme Clark A. Smith ou Robert E. Howard. Cet univers, l’auteure parvient à se l’approprier, à le rendre réel, à véritablement le re-créer, de telle façon que j’avais l’impression d’y être vraiment, de l’explorer comme si j’étais en voyage au pays d’Élie Darco. 

Le Crépuscule d’Æsir est un tour de force littéraire, mais aussi existentiel et psychologique. Je m’explique. Ce roman commence par la fin de tout, un véritable génocide. L’extermination d’une Cité-État, Æsir, par des créatures non-humaines, non-vivantes. On est littéralement anéanti par la mort. Que reste-t-il ensuite ? C’est cette expérience abyssale en laquelle nous plonge ce roman. Car on suit les pérégrinations d’une poignée de survivants. D’un côté Aldéric, de l’autre Viviana et quelques filles d’Æsir. Avec ces personnages, on baigne dans l’horreur d’un déchirement total. Autrement dit, on fait l’expérience d’un deuil impossible : la perte de tout. Sa famille, son/sa bienaimé/e, ses amis, son peuple, son pays et aussi sa liberté, car Viviana et les autres malheureuses sont retenues prisonnières dans l’antre du responsable du massacre. Prisonnières physiquement, et aussi psychologiquement : elles sont esclaves du remords de ne pas avoir péri avec les leurs. 
Quant à Aldéric, il est seul dans un monde hostile. Ballotté au gré d’événements qu’il ne contrôle pas, jouet dans une lutte pour le pouvoir… alors qu’une grande guerre couve et va embraser tout le continent. 
Le Crépuscule... est l’histoire d’une chute. Et pour s’y confronter, il faut penser autrement, ressentir autrement, sortir complètement de sa zone de confort, car Élie Darco nous fait expérimenter l’abîme, les ténèbres. Si l’on s’identifie aux héros, garçon ou fille, Aldéric ou Viviana, on vit avec eux cette perte, cette descente dans l’indicible horreur. Élie Darco nous dynamite, d’abord dans les premières pages, mais tout au long du récit par les situations qu’elle met en scène. Cette expérience est véritablement totale. Parce qu’elle ne se cantonne pas aux seules victimes. Nous découvrons le nihilisme en acte, car on va également suivre le quotidien, les motivations, les plans, la haine et l’amour fou du responsable du génocide initial. On en vient à comprendre son acte abominable, on en vient à l’apprécier, à l’aimer peut-être. À se dire : « Que ferais-je dans une telle situation ? ». Or, se positionner et interroger les alternatives devant soi, c’est expérimenter sa capacité à choisir, autrement dit, sa liberté. 
Mais je me tais pour ne pas trop en révéler et laisser au lecteur le soin de faire son opinion. On l’aura compris, Le Crépuscule d’Æsir est un roman somme, peut-être même le roman de dark fantasy par excellence. Et il est davantage, car il n’est pas seulement crépusculaire puisqu’il nous donne une véritable leçon de vie, pas seulement de survie. 

Quoi lire après ?

Je pense à de bons textes de dark fantasy. Par exemple, L'empire des nécromants de Clark Ashton Smith.

vendredi 28 août 2015

Le Ricain de Roger Borniche

Éditeur : Grasset
376 pages 
Format : 130 x 210 mm 
Prix : 24.90 € (broché) 
9,99 € (ebook)

Accroche : 
Détournements d'avions, braquages de casinos, traîtres à l'Omerta, la loi du silence, découpés au sécateur : en mission aux USA, l’inspecteur Borniche découvre l’enfer de la Mafia. Le « tombeur » d’Émile Buisson, de Pierrot le Fou et de la plupart des grandes « vedettes françaises » du crime, affronte, cette fois-ci, un champion de classe internationale : le jeune loup sicilien Rocco Messina, dit « le Ricain », l’organisateur, aux quatre coins du monde, des plus audacieux hold-up de l’Onorata Societa. Des ruelles de Palerme à la « Petite Italie » de New York, des casinos de Las Vegas aux bas-fonds de Paris, des déserts du Far West à la Côte d’Azur française et italienne se déroule un duel farouche et haletant. D’un côté : les méthodes implacables de la Mafia, les ordinateurs géants du FBI, la frénétique efficience de la police américaine. De l’autre : les bonnes vieilles techniques policières françaises. 

Mon avis : 
Dans cet ouvrage, nous suivons l’affrontement entre Roger Borniche, inspecteur à la Sûreté Nationale et Rocco Messina, jeune mafieux aux dents longues. Le flic essaie par tous les moyens d’attraper le Ricain. 
L’ambiance et les mœurs de l’époque sont bien restituées, de même que les modes opératoires des policiers français et américains, l’accent est bien mis sur leurs différences. Filatures, pression sur les indics, interrogatoires musclés, pièges… 
Les us et coutume de la Mafia, son organisation au niveau mondial, ses figures d’alors sont crédibles et parfaitement intégrés au récit. Les plans des bandits pour réussir leurs coups, ou au contraire, les plans des policiers pour les attraper sont également parfaitement mis en scène. 
Autre point appréciable, on voyage beaucoup avec ce roman, en France d’abord, mais aussi en Italie et aux USA… avec de belles descriptions visuelles, quasi cinématographiques. 
Il y a aussi pas mal d’humour dans un texte assez noir ; les quelques meurtres sont vraiment atroces.
Hélas ! Deux point m’ont grandement gêné pour véritablement apprécier la lecture de ce roman. D’abord, le plus important, Borniche a du mal à rendre ses personnages (et lui-même) sympathiques. Ils manquent singulièrement de charisme, de cet élément séducteur qui fait qu’on s’attache à un personnage de fiction comme s’il existait réellement et qu’on suivrait des moments de sa vie. Or, là, le bas blesse d’autant plus que la plupart des personnages de ce livre sont inspirés de personnes réelles, le héros, Roger Borniche, en premier lieu, je l’ai trouvé un peu minable avec sa femme, Marlyse, de même qu’avec son patron, Vieuchêne. L’ennemi, « le Ricain », Rocco Messina aurait dû être un adversaire grandiose, il est présenté comme tel pourtant, mais la mayo ne prend pas. J’étais donc un peu détaché du récit, de ce qui leur arrivait. C’est vraiment dommage ! 
Le deuxième point, c’est l’éloge que fait Borniche de J. Edgar Hoover, sa façon de le présenter comme un flic génial et intègre, le grand protecteur de l’Amérique, l’ennemi irréductible de la Mafia. Quand on connaît le personnage réel, ça donne des boutons ! D’autant que je venais de lire Underworld USA de James Ellroy, et la comparaison me venait constamment à l’esprit. Bref, cela m’a vraiment posé problème. 
Voici pourquoi, au final, malgré les qualités de ce polar, j’en suis ressorti dubitatif et assez déçu. 

Quoi lire après ? 
Le Gringo ou Frenchie de Borniche, pour rester sur le thème de la chasse à l’homme en Amérique.

jeudi 20 août 2015

Incorrect de Aymeric Caron

Sous-titre : Pire que la gauche bobo, la droite bobards 

Éditeur : Fayard 
350 pages 
19 € 

Accroche : 
Les réacs, néoconservateurs et autres fachos sont aujourd'hui en position de force en France. On les voit et on les entend partout, et leurs idées dominent le débat. Comment cette emprise idéologique est-elle possible ? Quelle est la responsabilité de la classe politique et des médias ? Et surtout, leurs arguments sont-il valides ? Dans ce livre, le journaliste Aymeric Caron fait tomber les masques et révèle les impostures sur lesquelles s'appuient les maîtres à penser faux. Il démontrent comme les radios, télévisions et journaux se font complices d'une manipulation dont les Français n'ont pas conscience. Il s'attaque aux porte-parole de ce charlatanisme qui squatte les micros. Pendant un an, il a disséqué tous les arguments véhiculés sur les sujets particulièrement sensibles que sont l'immigration, l'insécurité et l'Islam. Il a analysé les vraies statistiques, rencontré les meilleurs experts, décortiqué les JT, et il s'est plongé dans les discours alarmistes pour les confronter à la réalité. Et en miroir à cette prétendue gauche bobo vilipendée par la droite la plus dure, il dénonce l’émergence d’un nouveau curant : la droite bobards. 

Mon avis : 
Dans la première partie, Aymeric Caron désigne les principales figures de la droite bobards, les figures de proues néo-cons (nos tartufes contemporains) : des hommes politiques aux idéologues en passant par des journalistes. Ce sont, entre autres, Sarkozy, les Le Pen, Copé, Dupont-Aignan pour les politiques (dans la suite de l’ouvrage, Ciotti et Valls ne seront pas épargnés et leur tartuferie bien mise en évidence) ; Renaud Camus et Finkielkraut pour les idéologues ; et Élisabeth Lévy, Naulleau et Zemmour pour les journalistes. Dans ce que Caron appelle le « petit lexique à l’usage des acteurs de la droite bobards souhaitant discréditer les contradicteurs », il montre les travers des discours spécieux des néo-cons. Car avec cet ouvrage, on a affaire à 2 types de discours : celui de l’auteur… rationnel, argumenté et s’appuyant sur des documents avérés. De l’autre, celui des néo-cons, un discours fallacieux qui relèvent du « sensationnalisme », de la propagande, du mensonge, de l’irrationnel et qui repose essentiellement sur les peurs. 
Comme les thèses des néo-cons sont fausses, ils ne peuvent procéder par démonstration rationnelle en mettant en avant les vrais chiffres et statistiques… aussi leur stratégie consiste à mépriser, rabaisser, ridiculiser les discours de leurs adversaires, notamment en transformant des termes au départ positifs en insulte. C’est la stratégie classique du faux-monnayage (que Nietzsche à longuement dénoncée dans ses ouvrages, en matière de morale). Ainsi, « angélisme », « anti-racisme », « bien pensant », « bonne conscience » sont devenus dans la bouche des néo-cons des arguments contre ces naïfs de bobo. Une fois le discours de l’autre moqué et rendu « incohérent », ils attaquent ensuite la personne. « Quitter l’objet du débat pour se concentrer sur la personne de l’adversaire et l’insulter ». Les néo-cons procèdent comme l’a montré Arthur Schopenhauer dans L’Art d’avoir toujours raison d’abord l’attaque ad honinem, puis l’attaque ad personam. Aymeric Caron exprime très clairement ce double procédé : « L’objectif consiste à imposer le sentiment que le contradicteur est incompétent, aveugle, intolérant ou malhonnête. Le corollaire implicite étant naturellement que celui qui émet cette critique est en revanche pourvu de toutes les qualités qui font défaut à son adversaire. Ce procédé particulièrement déloyal présente l’avantage de créer une diversion et d’éviter tout débat rationnel. » 
Après avoir mis à jour la stratégie des néo-cons, l’auteur les met en face de leurs contradictions et mensonges. Notamment dans la seconde partie avec les questions de l’insécurité et de l’immigration. Voici ce que les néo-cons disent : Marine Le Pen : « le niveau de la délinquance dans notre pays est insoutenable. (…) plus une seule personne dans plus un seul lieu de France n’est aujourd’hui à l’abri de la délinquance et de la criminalité », Eric Ciotti : « Jamais dans notre pays les niveaux de délinquance n’ont été aussi élevés », Manuel Valls : « Tous les indicateurs des statistiques de la délinquance du ministère de l’Intérieur sont à la hausse ». Pas de bol, les menteurs, quand on regarde les chiffres de l’Insee (page 118) de l’évolution de l’insécurité de 2001 à 2012, on voit que ceux de 2012, les vols et les agressions sont les plus bas : 2,9 et 14,7%, alors qu’en 2008, par exemple, ils sont de 3,5 et 17% et en 2011 de 3,1 et 15,6%. Où ont-ils vu une explosion de la délinquance ? Alors que la tendance est plutôt à la baisse ! Parce qu’avec leur discours et leur présence quasi permanente dans les médias, ils distillent un « sentiment d’insécurité ». Thème largement abordé par l’auteur. Enfin, dans la troisième et dernière partie, l’auteur revient sur des faits divers qui avaient défrayé la chronique et servis à la droite bobards pour amplifier le sentiment d’insécurité. En premier, le déraillement du corail Paris-Limoges à la gare de Brétigny-sur-Orge où des « racailles » auraient volé les morts et blessés, et caillassé les pompiers et secouristes. Les néo-cons s’en donnent à cœur joie pour dénoncer cet acte « honteux, inqualifiables, monstrueux », d’autant que le journaliste Guillaume Biet d’Europe 1, s’appuyant sur de vagues rumeurs et le « témoignage » d’une policière qui n’a pas assisté aux faits, a fait un papier incendiaire. L’instrumentalisation politique transforme un drame ferroviaire en un drame de l’immigration. Il sera rapidement montré qu’il n’y a eu aucun cadavre détroussé et aucun caillassage. Le seuls faits avérés sera le vol d’un téléphone portable et des riverains excédés de ne pouvoir rentrer chez eux à cause des barrages dressés par les policiers. Ils auraient lancé des insultes et l’un d’eux une pierre en direction des forces de l’ordre. Non, il n’y avait pas eu une descente de voyous et racailles des cités venus attaquer les policiers et dépouiller les victimes ! 
En second, Trappes en 2005 où des jeunes « racailles » auraient attaqué un commissariat où était gardé à vue une femme portant un niqab. Là encore, selon les néo-cons, on est à la limite de la guerre civile ! 
En trois, Caron revient sur des « malfrats », « de dangereux criminels » relâchés à Dreux en 2013, sans avoir effectués leur peine, à cause d’un ordre de la garde des sceaux, Mme Taubira (la circulaire du 19 septembre 2012 adressée au parquet). Au final, on se rend compte que ce n’étaient pas de dangereux criminels et qu’en raison de l’engorgement des prisons, pour les condamnés à moins de 2 ans de prison, la mise à l’écrou est différée de 2 à 4 semaines (conformément à la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 instaurée par Rachida Dati). L’ordre donné par Christiane Taubira était juste un rappel de cette loi. Eric Ciotti s’indigne sur iTélé : « Lorsqu’on relâche des personnes qui ont commis un acte grave, et en l’occurrence d’actes très graves, cela veut dire qu’on rentre dans un système d’impunité, qu’il n’y a plus de sanctions ». Pour infos, les actes très graves de ces dangereux malfaiteurs sont : des insultes et des menaces à agents de police par un conducteur aviné. Il est condamné à 3 mois ferme qu’il effectuera. Le second a menacé des policiers avec un objet courant (« arme par destination »), c-à-dire le premier objet venu, une pierre, un bâton. Et le troisième ne s’est pas présenté pour effectuer des travaux d’intérêt général. Il est condamné à 2 mois de prison pour ce délit d’une gravité extrême, n’est pas M. Ciotti ? Si Eric. Ciotti instrumentalise ce fait divers somme toute banal dans les chroniques judiciaires, c’est évidemment pour taper sur Mme Taubira et le gouvernement socialiste. Quant à Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, il instrumentalisa également ce fait divers pour nuire à la réforme pénale souhaitée par Christiane Taubira. 
Caron montre d’ailleurs que Valls est un spécialiste du détournement des faits divers comme on le voit dans le quatrième point : le vol d’un bureau de tabac à Marignane en août 2013 et la mort de Jacques Blondel. Valls fait l’éloge dès le lendemain de M. Blondel qui a tenté d’arrêter les 2 voleurs en percutant leur scooter avec sa voiture. Un des voleurs lui tire dessus, le blessant mortellement. Aymeric Caron pose les questions suivantes : « Même si son intention est éminemment respectable, Jacques Blondel a-t-il vraiment eu raison de pourchasser les malfrats, alors que dans son véhicule se trouvaient sa femme et sa petite-fille de 15 mois ? A-t-il eu raison de vouloir se substituer aux policiers qui auraient sans doute interpellé les braqueurs de toute façon (le premier homme à été arrêté le soir même et le second un mois plus tard) ? Il n’y avait aucune urgence à ce qu’un citoyen non formé, dont ce n’est pas la fonction, se mêle à cette histoire dangereuse dès lors qu’il ne s’agissait pas de venir à la rescousse d’une personne menacée. » Et il ajoute : « Pourtant, voilà que le ministre de l’Intérieur, le patron des policiers et des gendarmes, le hisse au rang d’exemple. Est-ce à dire que tout le monde devrait faire pareil, à savoir suppléer les forces de l’ordre ? À quand l’encouragement des milices de quartiers privées (…) ? À quand les armes en vente libre pour être beaucoup plus efficaces dans notre manière de nous défendre individuellement ? (…) Son intervention [celle de Valls] a en effet un but précis : surfer sur l’émotion (elle-même largement alimentée par les journalistes) pour peaufiner son image de ministre qui ne transige pas avec l’autorité et du même coup effrayer l’opinion ». 

Cet ouvrage est particulièrement intéressant en cela qu’il démonte les discours de nos tartufes au pouvoir (politiques, médiatiques, idéologiques), qui ont érigé le mensonge, la mauvaise foi et la peur en véritable mode opératoire pour amplifier le sentiment d’insécurité de nos contemporains et ainsi leur apparaître comme les ultimes remparts face à la barbarie (issue de l’immigration et de l’Islam principalement). 
Autre point fort intéressant de cet ouvrage est la démonstration, discours et posture télévisuelle à l’appui, que Manuel Valls loin d’être un homme de gauche fait bien partie des néo-conservateurs, de la droite bobards. 
La méthode, la rigueur et la probité intellectuelle dont fait preuve Caron sont également dignes de louanges quand on voit à quel point la plupart des journalistes (de Zemmour à Lévy, en passant par Biet et Apathie) sont eux-mêmes des néo-cons ou du moins participent de la tartuferie généralisée. 
Enfin, le dernier point qui me paraît pertinent de mentionner, c’est que cet essai montre, malgré lui, les limites de la liberté d’expression. Combien il est naïf, au bout du compte, de croire qu’il suffit de montrer la vérité pour que les œillères de l’aliénation disparaissent. Le livre de Caron, malgré toutes ses qualités, est hélas insuffisant pour que des personnes aliénées prennent conscience à sa lecture de la médiocrité, de l’insanité de leurs croyances (racistes, xénophobes, haineuses, couardes et violentes) et deviennent soudainement humanistes, rationalistes, fraternelles. L’exemple du professeur à science-po, François Gemenne, spécialiste des flux migratoires et tout particulièrement des migrations environnementales est vraiment significatif. Invité en 2003 par l’UMP pour apporter son expertise lors d’une convention sur l’immigration, il a été copieusement sifflé et hué par les militants lorsqu’il a présenté les vrais chiffres, ceux fournis par Eurostat et l’Insee. 

Quoi lire après ? 
No steack, pour rester dans la pensée de Caron, un ouvrage sur le végétalisme. Ou alors pour rester dans le thème de dénonciation des politiciens de droite : Marine le Pen démasquée de Caroline Fourest. Cela dit, pour bien appréhender les diverses stratégies de discours, il est toujours bon de lire L'Art d’avoir toujours raison de Schopenhauer.

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