vendredi 2 novembre 2012

Si on les échangeait, Le Genji travesti

Accroche :
Dans le Japon de la fin du XIIe siècle, la fille et le fils d’un dignitaire de la cour impériale, élevés séparément, manifestent des goûts et des traits de caractère opposés et paradoxaux pour leur sexe respectif. Leur père et leur entourage, ne pouvant se résoudre à les forcer dans le moule, laissent la confusion s’installer quant à leur identité... Ce récit, écrit par un anonyme, contemporain de l’histoire, mêle satyre sociale, questionnement psychologique et poésie séculaire. Il a été traduit par Renée Garde. Les présentations, postface, appendices sont très intéressantes, mais mieux vaut en faire la lecture lorsqu’on a finit le roman et faire aussi l’impasse sur le résumé et nombres de notes internes au récit au risque de n’avoir plus aucune surprise en lisant.

Prix : 25 euros aux éditions Les Belles Lettres.

Mon avis :
Étrange comme ce roman semble à la fois, archaïque dans sa forme, et moderne dans certaines idées concernant notamment l’identité sexuelle dans nos sociétés.
Archaïque ? Disons plutôt désuet ; il ne faut évidement pas aborder cet ouvrage comme n’importe quelle œuvre de littéraire classique, la raison en est son âge bien sûr, mais aussi son cadre, la cour impériale japonaise, puissamment « allogène » pour un occidental. Autre époque, autre code, la narration peut paraître parfois lente, il y des redondances, notamment en ce qui concerne les passages décrivant la filiation et les fonctions des très nombreux personnages, leur état d’esprit, ou certaines banalités de la vie quotidienne. Mais si l’auteur se montre insistant, ce n’est point maladresse, mais pour se moquer, pour attirer notre attention sur une contradiction entre les actes et les pensées, ou bien pour nous faire comprendre que les apparences sont bien différentes de la vérité cachée.

Autre particularisme du langage, les sous-entendus, la sexualité suggérée par des expressions mystérieuses, étranges ou poétiques. Car le récit ne fait pas l’impasse sur les maux, vices, violences humaines, et si le style de l’auteur est policé, lorsque l’on s’attarde à « décoder » certains passages, on se rend compte du caractère osé de ses critiques à l’encontre de la société impériale, du déballage sans concession qu’il (ou elle) fait de l’intimité, des relations entre les hommes et les femmes. Il faut aussi noter les pièces poétiques qui parsèment l’écrit, dans les dialogues, certaines descriptions ou dans les pensées des personnages, nous facilitant la pénétration de la pensée orientale, sa compréhension, nous identifiant sur un peuple, une spiritualité, des us distants par l’espace et le temps.

Distant dans le temps, mais non exempt d’une touche de modernité lorsqu’on s’attarde à transposer, en pensées, ce récit dans notre société si prompt à juger sur les apparences (physiques, vestimentaires, activités professionnelles), à faire rentrer les gens dans des cases dès leur naissance, niant notre capacité à changer, à expérimenter, à nous essayer à différents modes de vie. Pour ne pas trop déflorer l’histoire, je dirais juste que les deux héros vont alternativement vivre selon leurs premières aspirations, selon les codes de leurs sociétés, selon leur cœur ou leur esprit. Ils font faire des compromis, se sentir prisonniers ou libérés dans des circonstances inattendues, tout cela parce qu’ils ne sont pas femme ou homme, hétérosexuel ou homosexuel, mais parce qu’avant tout, ils sont des individus, uniques, avec une personnalité et des goûts qu’il ne faudrait jamais discutés.

Quoi lire après... ?
Ce récit m’a donné envie de me pencher en détails sur l’histoire japonaise et de découvrir plus avant la poésie asiatique.

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