mercredi 30 octobre 2013

Le Postier - Mun Dok-su



Accroche : 
Dans son long poème de presque cinq cents phrases, le poète met à jour les racines de l’irrationalité des guerres, des massacres, de la terreur et de tout ce qui relève de l’aliénation anti-humaniste. Et ceci, pour les transformer en images concrètes. Les volontés et l’Histoire des hommes sont concentrées au cœur de symboles, de métonymies et d’ironies récurrentes tout au long du récit.

Auteur : Mun Dok-su
Traducteurs :
Ko Chang-so et Antoine Coppola
Recueil de poèmes
80 pages
Prix : 10 €

Mon avis : 
Si Le Postier de Mun Dok-su est un long poème sur la guerre de Corée, il est également une dénonciation de toutes les guerres. À la fois de son temps et de son époque, Le Postier s’affirme comme une œuvre universelle et intemporelle. Le poète y parvient grâce à son vivant témoignage, lui qui a participé à cette guerre, où il fut blessé, mais aussi au moyen des nombreux emprunts à la mythologie ou l’histoire chinoise et coréenne (Histoires des trois Royaumes, la guerre d’Imjin, le coup d’état du 11 juin 1455 du prince Suyang), ainsi qu’à ceux d’autres histoires ou cultures (l’obélisque de Luxor, le Parthénon, les goulags soviétiques, le 11 septembre). Les figures religieuses œcuméniques (Confucius, Jésus, Bouddha), les batailles du passé ou du futur avec des robots sont également évoquées. Le Postier apparaît, dans ce souci de montrer la folie et l’irrationalité de la guerre (de toutes les guerres) comme un récit du nihilisme en acte.

« À l’image du vide qui avait fini
De lire les entrailles
D’une génération,
Cela a explosé dans un grand Bang. »

Pour ce faire, Mun use de métaphore ou de comparaison ou d’exemple particulièrement frappant. Ainsi la trajectoire de la balle qui tue et détruit tout sur son passage, jusqu’à sa propre trace.

« La balle du vide
Roule au loin,
(…)
Vent, gaz, famine, désespoir
Obus, champignon nucléaire
Tu forces le passage,
(…)
Dans les briques brisées
Et pénétrant tel un rayon
De lumière,
Tu rebondis, gorge déployée.
(…)
La balle s’effaça d’elle-même.
En roulant, elle efface sa propre trace.
En volant, elle efface le chemin
Parcouru.
Même au milieu des explosions
Et des massacres,
Dans un souffle, elle efface.
Elle efface même son effacement. »

L’essence de la guerre est ainsi dévoilée. Les raisons invoquées, les prétextes pour prendre les armes, se fondre dans le corps d’une armée, que ce soient ceux de défenses du territoire ou de conquête ne tiennent plus la route. Mun l’a parfaitement compris et nous le rappelle.

Quoi lire après...  
La guerre de Corée, 1950-1953 d’Yvan Cadeau pour avoir une vision d’ensemble, mais aussi des témoignages sur ce conflit. Pour avoir une vue d’ensemble de la poésie coréenne contemporaine, je conseillerai la petite anthologie parue chez Sombres Rets Anthologie de poésie coréenne. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Chercher dans ce blog...